Définitions

La notion de réseau de chaleur ou de froid est largement utilisée et se retrouve dans différents textes sous plusieurs appellations : chauffage urbain, réseau de chaleur, chauffage à distance, systèmes de chauffage ou de refroidissement, service public de production et de distribution de la chaleur… autant de terminologies qui n’ont pas de véritable définition juridique.

Pour caractériser un réseau de chaleur, il convient de répondre successivement à trois questions :

  • peut-on dénombrer au moins deux usagers distincts ?
  • existe t-il un service de vente de chaleur à un tiers ?
  • le service est-il organisé par une structure publique ? si oui, laquelle ?

Le service public de distribution de la chaleur répond donc à plusieurs critères :

  • un critère purement technique : un réseau de canalisations alimentées à partir d’une chaufferie et alimentant plusieurs bâtiments,
  • un critère commercial : il faut qu’il y ait vente de chaleur à un tiers, différent du maître d’ouvrage du réseau de chaleur,
  • et un critère organique : le service doit être organisé par une collectivité locale assurant le contrôle et la maîtrise du service.
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Etre Service Public Industriel et Commercia (SPIC)

SPIC ou SPA ?

Le simple fait de vendre de la chaleur à des tiers ne suffit pas forcément à qualifier le service de SPIC. Les critères d’analyse classique de la jurisprudence administrative pour qualifier la nature du service public sont de trois ordres :

  1. l’objet du service : Il s’agit ici de se demander si la mission remplie par le service se rattache plutôt aux fonctions normales de l’administration, ou au contraire si elle se rapproche de celle qu’une entreprise privée peut assurer. Pour un SPA il s’agit d’activités purement désintéressées relevant des missions traditionnelles de la puissance publique. Pour un SPIC, cet objet doit apparaître comme industriel et commercial, et doit être comparable à ceux pris en charge par l’entreprise privée.
  2. le mode de financement et la structure des recettes : le SPA est financé par les contribuables, via l’impôt. Il est gratuit [1] pour le SPIC, les ressources proviennent des recettes issues du service et payé par les usagers et non de prélèvements obligatoires effectués par la collectivité publique. Il est donc essentiellement financé comme une entreprise privée, par un prix facturé à l’usager en contrepartie de la prestation fournie. Le SP a un caractère industriel et commercial si sa rémunération provient directement de l’usager. A l’inverse, une rémunération indirecte est propre au SPA.
  3. les modes d’organisation du service : tout dépend des procédés utilisés par le service. S’il recourt à des techniques administratives, il est administratif, sinon il est industriel et commercial [2]. Mais la jurisprudence se fonde sur divers éléments pour interpréter ces méthodes de fonctionnement, comme par exemple l’importance et le nombre de prérogatives de puissances publiques dont le service dispose. Il est évident qu’un SPA est doté d’un nombre supérieur de PPP par rapport à un SPIC.

Les conséquences

La qualification de SPIC implique plusieurs conséquences et non des moindres.

  1. A l’égard du personnel affecté au service : il s’agit de savoir si le personnel est soumis au code du travail ou si c’est un agent public. Les agents travaillant pour un service qualifié de SPIC sont soumis au régime de droit privé (à l’exception du directeur et de l’agent comptable) et relèvent des dispositions du Code du Travail, y compris si le service est géré en régie. Lorsque la régie est dotée de la personnalité juridique, les fonctionnaires doivent être détachés auprès de la régie.
  2. A l’égard des usagers du service : Les contrats conclus avec les abonnés des SPIC relèvent du droit privé.
  3. A l’égard des procédures fiscales, comptables et budgétaires : les conséquences sont multiples et sont abordées dans le guide "Schéma Guide de création d’un réseau de chaleur" (RCT 35).

Exemples

Exemples de SPIC

  • Exemple 1 : Il est prévu de fournir de la chaleur à des bâtiments communaux ou communautaires, ainsi que des équipements du Conseil Général, du Conseil Régional (par exemple et respectivement collège ou lycée), voire d’un bailleur public. Même si le réseau technique, se limite à la distribution de bâtiments publics, il y aura « vente de chaleur », entre partenaires publics. Le réseau peut être qualifié juridiquement de SPIC.
  • Exemple 2 : Le réseau pré existe, mais une extension est programmée pour desservir le(s) bâtiment(s) d’un autre maître d’ouvrage. Le raccordement de ces différents type de bâtiments publics suffit à la qualification juridique de « Service Public à caractère Industriel et Commercial (SPIC) ». Le fait que la commune prenne en charge les coûts d’investissements est sans effet. Les bâtiments raccordés devront disposer d’une installation de comptage individuel et souscriront une police d’abonnement. Il s’agira juridiquement d’un « réseau de chaleur ».

Exemples de SPA

Pour illustrer les grands principes, quelques exemples de collectivités qui nous ont interpellées :

  • Exemple 1 : La commune met en place une chaufferie centralisée ne desservant que des bâtiments inscrits au patrimoine communal. Il s’agit d’une activité que la collectivité effectue pour la satisfaction de ses propres besoins : ce n’est pas un service public (il s’agit d’un service à elle-même sans autre usager identifié).
  • Exemple 2 : La commune envisage la distribution de chaleur à différents bâtiments communaux dont des logements pour lesquels elle est propriétaire. La présence de plusieurs locataires du patrimoine communal ne suffit pas à entraîner la qualification juridique « réseau de chaleur », en l’absence de comptage et de facturation individuelle. En effet, dans ce cas, c’est une répartition de charges : le locataire souscrit un bail d’habitation (et non une police d’abonnement) dans lequel sont intégrées les charges de chauffage dans les charges locatives.
  • Exemple 3 : La commune met en place une chaufferie et un petit réseau pour alimenter entre autre sa salle des fêtes, louée à des tiers quelques jours dans l’année. Dans cette situation, la fourniture de chaleur est intégrée comme charges (au même titre que l’électricité, l’eau…) au prix de location .

La compétence "Réseaux de chaleur"

La loi du 15 juillet 1980

Il s’agit d’une compétence attribuée en base aux collectivités territoriales, optionnelle et non exclusive.

La collectivité doit satisfaire les divers besoins de la population en organisant, le cas échéant, des services publics locaux : soit dans le cadre d’une loi particulière, soit dans en raison des pouvoirs généraux de la commune. Les services publics locaux peuvent être : obligatoires (assainissement), facultatifs (pompes funèbres), admis (piscine) ou autorisés si l’intérêt public le justifie.

C’est l’article 3 de la loi du 15 juillet 1980 (relative aux économies d’énergie et à l’utilisation de la chaleur) et la jurisprudence administrative qui ont reconnu la compétence de base des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour organiser un service public de chaleur. Les communes ont donc un rôle important à jouer en tant que relais locaux de la politique énergétique. Elles peuvent décider librement de créer des réseaux de chaleur alimentés à partir d’énergies renouvelables et de récupération. Elles n’ont pas à s’interroger sur la carence éventuelle de l’initiative privée avant de créer un tel service. En effet, le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ne fait pas obstacle à la création d’un service public dans un domaine d’activités qui, par nature, relève d’une mission de service public. Ce dernier a d’ailleurs pu être qualifié de « service public local optionnel de distribution de l’énergie calorifique ». En ce sens, le rapport d’information Energies renouvelables et développement local n° 436, (2005-2006) de MM. Claude BELOT et Jean-Marc JUILHARD, fait au nom de la délégation à l’aménagement du territoire, déposé le 28 juin 2006 dispose que « Il (le rapport de Kyoto) leur recommande de construire des réseaux de chaleur. En effet, les collectivités territoriales disposent à cet égard d’une compétence optionnelle et sont peu nombreuses à l’exercer ».

C’est également une compétence non exclusive : des réseaux peuvent être créés par d’autres acteurs, y compris par des acteurs privés. Par ailleurs, cette compétence peut être transférée à un groupement de collectivités. Dès lors qu’une collectivité (ou un groupement) exerce cette compétence, le chauffage urbain mis en place est qualifié de service public. Compte tenu de ses modalités de fonctionnement, ce service public peut revêtir un caractère industriel et commercial.

Transférer sa compétence

Compte-tenu de la complexité des projets de réseaux de chaleur, la question de l’autorité organisatrice du service peut se poser :

  • A quel niveau doit-être porté le réseau de chaleur ? : Communal ? Intercommunal ? Groupement de communes ?
  • Y a t-il possibilité de mutualiser les compétences de maîtrises d’ouvrage ?

La loi MAPAM donne une partie de la réponse dans le sens où les métropoles sont dotées de la compétence obligatoire "création, aménagement, entretien et gestion des réseaux de chaleur ou de froid urbains (article L5217-2 du code général des collectivités territoriales.